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La reprogrammation architecturale: une approche magnanime de l’espace bâti existant.
De nombreux travaux d’architecture développés au sein de l’agence sont caractérisés par des interventions sur des bâtiments existants.
Ce nouvel environnement de travail nous a donné l’occasion d’exporter et d’enrichir une méthode de travail déjà éprouvée à travers les monuments historiques vers l’architecture contemporaine non monumentale.
À l’analyse technique et historique, s’ajoute une analyse de situation de projet (le projet comme entité physique et également comme entité symbolique) et un diagnostic conseil sur le potentiel de reconversion d’un bâtiment.
La reprogrammation architecturale se déroule en trois temps. Elle consiste à faire un premier état des lieux sur la viabilité constructive de l’existant, puis de dresser une cartographie précise des transformations nécessaires aux nouvelles fonctions visées par la commande et enfin de mesurer les niveaux de transformations acceptables eu égard à la charge symbolique ou émotionnelle du bâtiment vis-à-vis de la population locale par exemple.
Ces trois points visent à établir un différentiel positif entre l’avant et l’après reconversion. La reprogrammation est une méthode élargie du volet architectural qui permet de répondre à une triple exigence temporelle: la fiabilité du fonctionnement du bâtiment à court, moyen et long terme.
Dans les projets impliquant une reprogrammation, une réflexion s’impose également sur la dynamique de fonctionnement du bâtiment, un conseil préventif et prospectif sur l’évolution des besoins à moyen et long terme dans la mesure où ils peuvent modifier les propositions d’aménagement et/ou d’extension au départ.
La plus-value de cette démarche est illustrée par exemple par la proposition soumise par l’agence au maitre d’ouvrage de remplacement de la charpente du château de Clères en comble habitable.
Ce conseil a permis d’anticiper à plus long terme l’évolution des nouvelles fonctions du château. -
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Le dessin
On dessine pour démarrer un projet, une histoire.
Le croquis nous permet de poser une idée pour passer à une autre. À la manière d’une prise de note, réduite à la plus simple expression, l’idée passe par la main pour prendre corps. Par un aller retour continuel, le croquis informe le projet. Certaines idées et incertitudes sont obsédantes tant qu’elles ne prennent pas vie sur le papier.
Le croquis est épuré, frustre, réducteur et ne reflète pas souvent la complexité de l’idée et de sa représentation mentale, il la représente dans sa plus simple expression. L’évidence du dessin lui confère une forme de manifeste presque caricatural.
Par moment la maladresse du trait donne à lire l’idée d’une manière inattendue, plus souvent elle la traduit avec force et clarté.
Notre technique ne nous permet pas de traduire la diversité du projet par le dessin, seul le passage par le modèle en trois dimensions réel ou le virtuel nous permet de réaliser la synthèse. Le dessin est développé en trois typologies:
- La « pose de la première pierre »: ce dessin est le fruit d’une recherche individuelle, il fait partie d’une série, un flot continu qui génère le projet, À la fois formalisation mais aussi vérification au cours des différentes étapes de développement. Il a comme support le carnet facilement transportable.
- Le dessin de communication avec d’autres intervenants du projet: ce dessin peut apparaître sur tout support, il accompagne un plan, une image de travail…, sans la parole qui l’accompagne il est difficilement compréhensible en dehors de l’instant.
- La présentation d’un concept vers les autres : ce dessin est souvent refait et répété, il doit être d’une clarté unique et évidente, par habitude il prend place dans le carnet, est scanné et intégré aux dessins d’intention générales.
Notre pratique du dessin à ce jour à tendance à décontextualiser le projet de son environnement à la manière d’un objet théorique. Nous ne manions pas différentes techniques, le croquis accompagne la prise de note et l’écriture.
Le support du carnet vient naturellement c’est une forme de capitalisation, page après page les projets se croisent disparaissent et réapparaissent. Certaines formes sont comme des signes récurrents, révélateurs des intuitions.
Le carnet permet de ne pas perdre le fil et de revenir en arrière, c’est un outil de vérification de la validité de l’idée et de son cheminement.
Le papier est fin pour ne pas sacraliser le trait, le dessin n’est pas une fin en soi, c’est un simple médium de communication au service de l’idée.
Hors du contexte le croquis n’a pas de valeur plastique volontaire particulière.Jean-Jacques Hubert dans LES TRACES HABILES 01: Mars 2012
Format: 18×26 cm / 160 pages -
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Monument dans la ville ou ville monument ?
Les 100 ans de la loi sur les Monuments Historiques de 1913 nous donnent, à travers ces Entretiens du Patrimoine, l’occasion de nous interroger sur la place des monuments protégés comme témoins, voire symboles, de notre histoire dans nos villes et sur l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur les centres urbains.
Le monument dans la loi de 1913, sa place dans la ville.
Dans l’esprit de la pensée de Victor Hugo exprimée dans Guerre aux démolisseurs ! en 1832 et réclamant « une loi pour ce qu’une nation a de plus sacré après l’avenir, une loi pour le passé », la loi de 1913 insiste sur la notion d’intérêt public. Son article 1er énonce: « Les immeubles dont la conservation présente, du point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public, sont classés comme monument historiques en totalité ou en partie par les soins du ministre chargé des affaires culturelles ».
Les ouvrages d’architecture remarquables d’un point de vue esthétique ou historique seront donc, à partir de cette date, officiellement gérés par l’État via un service du ministère des Affaires Culturelles, dans l’intérêt de tous et donc de la Nation. Cette loi, synthèse des lois antérieures promulguées depuis la création de la commission des monuments historiques en 1837, entérine la notion de monument comme image idéale qu’une société se fait d’elle-même et du passé auquel elle se rattache.
La France décide donc de procéder au classement de ses monuments les plus emblématiques qui, dans une évolution notable par rapport aux listes de 1840 (basilique Saint-Remi de Reims) et 1862 (Hôtel de Ville de Charenton-le-Pont) pour lesquels « des secours » étaient demandés, bénéficieront d’une volonté de conservation, permise par un service des Monuments Historiques désormais en place.
Le monument acquière donc un statut tout à fait particulier, symbole d’un passé à préserver et repère souhaité inamovible dans la ville. Les édifices sont choisis pour leur qualité architecturale ou leur place dans notre histoire. La lisibilité de ces monuments ainsi que leur sens affiché, leur usage préservé ou leur reconversion réussie leur permet dans une grande partie des cas d’être parfaitement intégrés dans les villes.
Mais leur place dans des centres urbains renouvelés, parfois sans rapport et même cohérence avec leur place d’origine les réduit parfois à devenir des objets au sens difficilement perceptible, sujet à des expériences de restauration en quête de préservation maximale. L’arc de Mars de Reims illustre cette problématique. Les grues jaune et grise du port de Nantes, récemment protégées au titre des Monuments Historiques, interrogeront certainement de la même manière les générations futures: leur perte d’usage dans un environnement totalement transformé posera sans aucun doute la question du sens sans lequel le monument peine à survivre dans nos villes. L’éternité à laquelle sont voués les monuments est, lors de certains épisodes historiques, mise à mal. Les conflits armés du XXe siècle ont par exemple des conséquences irrémédiables sur bon nombre de ville et de monuments (vues d’Arras). Les choix opérés pour le traitement de ces derniers après démolition totale ou partielle est particulièrement intéressant. Qu’ils aient été entièrement reconstruits « à l’identique » ou laissés en ruine, leur statut de monument n’a pas été atténué: la reconstruction efface les heures sombres et affiche une capacité inaltérable à surmonter les épreuves (Arras après reconstruction) alors que la ruine (Ablain Saint-Nazaire, Mont Saint Eloi) laisse à lire le martyr vécu, le territoire meurtri et l’anéantissement impossible. La démarche interventionniste transformant l’édifice par le projet contemporain, comme ce fut le cas après la seconde guerre mondiale à Saint-Lô avec la… « restauration », « réhabilitation » de l’église Notre-Dame par Yves-Marie Froidevaux, donne au monument un statut particulier, celui de mémorial.
La magistrale intervention de l’architecte Peter Zumthor sur les ruines de l’église Saint-Kolumba de Cologne, elle aussi martyr de la seconde guerre mondiale, met en lumière la capacité à réinventer le monument qui, sur un terreau ancien et dans une matérialité différenciée, mais avec un programme porteur de sens devient à son tour repère et image de l’histoire de chacun.
La reconnaissance du monument dans la ville est donc incontestable et peut survivre non seulement aux démolitions des conflits mais aussi aux changements de destinations : le palais du Louvre devenant musée reste par exemple monument non seulement par la préservation de son échelle « monumentale » mais aussi par son passage de symbole du pouvoir royal à celui d’établissement national de la culture française. Cette préservation du caractère monumental est cependant liée à la préservation d’un usage ou à la reprogrammation, porteuse de sens. La pyramide de verre de Ieoh Ming Pei est ainsi devenue, après bien des contestations, monument dans le monument.
Dans les années 1990, par la mise au point de ses recherches sur la médiologie, Régis Debray donne une analyse renouvelée du monument et définit la notion d’« Abus monumental ». Il existe, selon ce philosophe, plusieurs types de monuments, le Monument message, vecteur qui porte un message, le monument forme qui a pour seul contenu, sa puissance esthétique et le monument trace, opposé à toute intention de communication ou esthétique qui a une valeur documentaire.
L’efficacité du message de chaque monument dépend de sa lisibilité et un excès vaut saturation.
La force du message résulte donc de la concentration en monument dont le nombre doit être restreint.
L’ « abus monumental » vient du nombre de monuments amplifié par voie directe (décision administrative) ou indirecte (champ de visibilité des MH). Il n’est pas seulement quantitatif : un quartier surrestauré et artificialisé dans ses activités sociales est un abus monumental un lieu détourné de son sens avec un contenant l’emportant sur son contenu ou une reproduction à la place de l’original, aussi (Mont Saint-Michel).
Mais Régis Debray reconnait que sa thèse peut être instrumentalisée et ne souhaite pas « plaider le malthusianisme mémoriel, en alibi à un désengagement de la puissance publique ». Il porte cependant un regard sur la place des monuments dans nos centres urbains, prompt à se galvauder sous prétexte de rentabilité ou de tourisme de masse soucieux de satisfaire des voyageurs pressés et avides d’images parfaites et aseptisées.
Les monuments sont donc des repères, souvent perçus comme inamovibles, témoins de la vie passée installés dans nos villes actuelles qu’il faut cependant sans cesse interroger pour ne pas les abimer. Les cathédrales sont certainement les exemples les plus significatifs de cette inertie au milieu des évolutions et aménagements successifs de nos centres urbains. Notre capacité à créer des monuments dans des villes en renouvellement ne doit pas être négligée : la grande arche dans le quartier de la Défense à Paris, n’est-elle pas, par son échelle et le signal-réponse à l’aménagement parisien des siècles antérieurs, un véritable monument ? La Casa da Musica de Porto, bâtiment manifeste de l’architecte Rem Koolhaas au début du XXIe siècle, en est certainement aussi un.Ville monument ?
À l’exception d’exemples exceptionnels qui ont fait le choix d’orienter leurs activités uniquement vers le tourisme il y a plusieurs siècles, telles Florence ou Venise (Cartes postales), la Ville Monument, par la définition que nous venons de développer (sur le monument), serait un centre urbain qui a fait le choix de l’inertie architecturale. Il est difficile, dans notre société en mouvement, nourrie d’actualités en temps réel, prompte à se renouveler, d’accepter la notion de ville monument figée dans un aspect qui ne pourrait évoluer et donc s’adapter aux modes de vie.
Poser cette question de ville-monument est cependant d’actualité et nous renvoie à la question souvent posée du « faire avec » ou du « composer près » du monument. Les installations dans les théâtres antiques (théâtre de Marcellus, gravures arènes d’Arles) en sont les exemples mythiques dont peu sont conservés et surtout, atteignent rarement la dimension de villes. La Charité-sur-Loire, est, elle, bel et bien une ville, installée dans le monument après les démolitions révolutionnaires. Unique en France et bien loin de la perfection exprimée au sujet du monument dans la loi de 1913, elle est désormais considérée comme un exemple à sauvegarder dont on ne sait pas si on accepterait qu’il se reproduise. (Vues La Charité sur Loire) La croate Split nous propose la même démonstration : la ville installée dans le monument existe mais est-elle pour autant ville-monument ? (Plans de Split) La ville doit-elle être un monument lorsqu’elle est chargée d’histoire ?
Oui s’il s’agit de son analyse attentive et de la compréhension de tous ses aspects, notamment sociologiques et anthropologique, avant toute intervention de taille et non, s’il s’agit de conservation ou de choix d’époque de référence.
La méthodologie classique, à la française, d’intervention sur les monuments, historiques en l’occurrence puisque nous célébrons la loi de 1913, ne peut être appliquée à la ville pour laquelle le renouvellement, la création et l’adaptation aux usages actuels doit être de mise.
En ce début de XXIe siècle, après 2 conflits armés aux conséquences souvent irréparables sur les monuments et les villes, se sont passés plus de 60 ans de paix et de grandes réflexions sur la sauvegarde de nos Monuments Historiques et la nécessaire mise en valeur de ceux-ci.
Si comme l’écrit très justement Dominique Rouillard dans son ouvrage « Architecture contemporaine et Monuments Historiques – Guide des réalisations en France depuis 1980 », le monument « est désormais dans une logique communicationnelle portée par la consommation de masse », il reste porteur de l’image idéale que la société se fait d’elle-même et du passé auquel elle se rattache, la ville est parfois contrainte à accompagner ce mouvement, tendant à se patrimonialiser, à se sacraliser pour satisfaire à une image globale refusant d’assumer évolution et usage contemporain dans l’espoir vain de mieux révéler ce monument ou dans la crainte mal justifiée d’altérer une vision générale idéale par la création contemporaine. La ville n’est donc pas un monument mais la garantie que la vie se poursuit par le renouvellement des usages autour de celui-ci, qui, malgré son âge canonique, doit garder sa place et son sens à travers les siècles.Charlotte Hubert, texte issu du colloque Entretiens du patrimoine et de l’architecture le 19 novembre 2013 à la Bibliothèque nationale de France, organisé par le ministère de la Culture et de la Communication.
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Les coins courbes
Courbes, angles, plis, béton, bois acier, les études de mobilier engagées à l’agence ne sont pas au service d’une «?ligne?» type ni d’une marque de fabrique.
Elles permettent de créer des lieux transitoires de recherche qui engagent le corps, l’espace et la fonction. De l’information circule entre les études architecturales et les études de mobilier.
La petite échelle informe la grande échelle. Plus rapide car supportant moins de paramètres contingents, l’étude de mobilier permet de s’approcher de très prêt des acteurs de la société, de toucher du bout des doigts l’évolution des modes de consommation, de tester les habitudes, d’évaluer les résistances esthétiques et/ou des matériaux.
S’asseoir, ranger, classer sont autant de dispositions qui évoluent. C’est par l’intermédiaire de la création de mobilier que l’on accompagne de façon bienveillante ou critique ces évolutions. (Expression empruntée à Gaston Bachelard) -
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Architecture et restauration, sens et évolution d’une recherche
«?Une œuvre ancienne ou récente, qui est une œuvre d’art, donc une œuvre de création, doit être respectée en tant que telle car elle est porteuse d’une pensée et d’un message. Elle nous parvient de diverses manières. Si elle est très ancienne et nous parvient intacte, ce qui est très rare, l’intervention relève alors de la stricte conservation et éventuellement de la muséographie. Si l’œuvre a connu un grand nombre de transformations, pratiquement il sera assez difficile de trouver une cohérence et une unité architecturale, à moins que celle-ci ne soit le résultat du temps, de la durée. Par contre, si le monument nous parvient mutilé, dégradé, l’architecte peut alors entrer dans le jeu. C’est dans ce dernier cas que l’architecte est appelé à être réellement concepteur.?»
Pierre Prunet, entretien avec Nicolas Detry.
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L’échelle et la dernière vis
Le mobilier est une épreuve directe avec le corps. Si l’architecture peut se tromper d’échelle et se contenter d’un «?à peu près?» ou d’un «?un peu trop?» sans pour autant se voir désaffectée, il en est différemment du mobilier. Il doit viser juste, car il n’a pas d’espace de médiation possible. La marge d’accoutumance est beaucoup plus faible. Un écart, une situation mal sentie et l’opprobre est jetée. Le corps se retourne contre l’objet soit dans une affligeante ignorance soit dans une brutalité excessive, soit enfin dans une tentative de détournement.
Les règles d’usage demandent un travail minutieux sur des fondements de base?: qu’est ce que «?s’asseoir?»?? Qu’est-ce qu’ «?attendre?»?? Les postures sont-elles différentes dans une salle d’attente et dans un lieu public?? Comment?? La forme ne souffre pas d’arbitraire, elle doit répondre séance tenante au récipiendaire.
La petite échelle renseigne la grande échelle. Par le retour aux détails, elle énumère les angles morts de la grande échelle. Ce sont ces allers-retours salutaires qui permettent de relever et conserver nos exigences à toutes les échelles.
Connaître la dernière vis, c’est pour le concepteur l’assurance d’une maîtrise totale sur l’objet qui lui échappe en partie dans un projet à plus grande échelle. Dans le mobilier, la chance est grande de connaître la dernière vis, c’est-à-dire de se saisir de la totalité de l’objet en réduisant à zéro l’écart entre espace projeté et espace réalisé.
Pour nous, le mobilier s’envisage à l’échelle de cette dernière vis. -
Abou Dabi